29.04 – 70ans après, retour sur le droit de vote des femmes.

En France
« Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes »
Ordonnance du 21 avril 1944, après débat à l’Assemblée constitutive d’Alger.

1945

  • 29 avril et 13 mai, les femmes votent pour la première fois aux élections municipales.
  • 21 octobre, premier vote national pour élire l’Assemblée constituante.

Une citoyenneté différée pour les Françaises, alors que de nombreux pays de l’Union européenne accordent le droit de vote aux femmes au lendemain de la Première Guerre mondiale.

Obtention du droit de vote des femmes dans différents pays

Mais aussi : 1913 en Norvège, 1915 en Islande, 1918 au Canada et en Russie, 1919 aux USA, 1920 en Albanie, Autriche et Hongrie… 1994 pour les femmes noires en Afrique du Sud, dans les années 2000 dans les pays musulmans.

La Révolution française

Des femmes citoyennes au plan civil mais sans droit politique.
Une femme singulière en son temps : Olympe de Gouges et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791). Elle y réclame justice à son sexe et des droits civiques et politiques strictement égaux à ceux des hommes :

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« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même fondamentales, la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également le droit de monter à la tribune » (article X)

Condamnée en 1793 et guillotinée, l’accusation de trahison portée contre elle vise son engagement hors du cadre assigné aux femmes :
« Olympe de Gouges, née avec une imagination exaltée, prit son délire pour une inspiration de la nature. Elle commença par déraisonner et finit par adopter le projet des perfides qui voulaient diviser la France : elle voulut être homme d’Etat, et il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d’avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe » (Feuille de salut public du 27 Brumaire an II)

Les femmes ne tirent aucune reconnaissance de leur participation massive aux journées révolutionnaires… Bonaparte les rabaisse en mineures à vie (Code civil, 1801). L’histoire se répète : par trois fois entre 1789 et 1871, les femmes se portent au plus durs combats sans en tirer quelque reconnaissance quant à l’égalité des droits.

Priorité à la lutte contre l’exploitation des ouvrières

Flora Tristan (1803-1844), à l’avant-garde d’une internationale ouvrière ; pour elle l’émancipation des travailleurs est indissociable de celle des femmes.

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« L’homme le plus opprimé peut opprimer un être qui est sa femme. Elle est la prolétaire du prolétaire même » (Des moyens de constituer la classe ouvrière)

 

1848- Un suffrage universel masculin

Les priorités pour les femmes sont celles du droit au travail, des droits civils et de l’éducation des filles.Jeanne Deroin (1805-1894), une pionnière du suffragisme.
Ouvrière lingère autodidacte devenue institutrice, aux idées socialistes utopistes, fondatrice du journal La politique des femmes devenu L’opinion des femmes. Elle est candidate aux élections législatives de 1849 :
« Je viens me présenter à vos suffrages par dévouement pour la consécration d’un grand principe, l’égalité civique et politique des deux sexes. […] Une assemblée législative uniquement composée d’hommes, est aussi incompétente pour faire les lois d’une société composée d’hommes et de femmes, que le serait une assemblée composée de privilégiés pour discuter des intérêts des travailleurs, ou une assemblée de capitalistes pour soutenir l’honneur du pays. »

Réaction de Pierre Proudhon (1809-1865) penseur du socialisme libertaire :
« Nous ne pouvons laisser passer sans protester énergiquement au nom de la morale publique et de la justice elle-même de semblables prétentions et de pareils principes. Il importe que le socialisme n’en accepte pas la solidarité […] Le ménage et la famille voilà le sanctuaire de la femme » (journal Le Peuple ,12 avril 1849).

Quelles priorités pour le mouvement féministe ?

La conquête du droit au travail et à l’éducation, des droits civils (divorce, famille…) est-elle ou non subordonnée à la conquête des droits politiques (droit de vote) ? De nombreux journaux de femmes, créés de 1871 à 1914 en débattent.

  • Le droit des femmes, fondé en 1869 avec Maria Deraismes
  • La citoyenne, d’Hubertine Auclert créé en 1881 ou La Fronde, de Marguerite Durand, en 1891.

Des femmes se présentent illégalement aux élections, organisent des pétitions et des actions de propagande.

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Hubertine Auclert fait de la résistance. En 1880, elle refuse de payer ses impôts et écrit au Préfet : « Je n’ai pas de droits, donc je n’ai pas de charges, je ne vote pas, je ne paye pas ». Elle manifeste dans les mairies lors des mariages pour dénoncer l’infériorité sociale que le code civil établit et que le suffrage des femmes pourrait réformer. Elle crée la société Le suffrage des femmes qui organise des pétitions, des rassemblements et multiplie les actions.

De nouveaux groupes se créent dont l’Union française pour le suffrage des femmes-UFSF. Le mouvement gagne en légitimité.

1914 – Jaurès défend le droit de vote des femmes à la Chambre des députés :
« C’est l’humanité entière qui doit agir, penser, vivre et l’on a bien tort de redouter que le suffrage des femmes soit une puissance de réaction, quand c’est par leur passivité et leur servitude qu’elles pèsent sur le progrès humain »

La guerre brise cette dynamique..

Lenteurs parlementaires, obstruction du Sénat

La période de la guerre a montré les compétences des femmes et leur force. Le suffrage universel est voté de nombreuses fois à la Chambre des députés, en 1919, 1925, 1932, 1935. Mais, à chaque fois le Sénat joue l’inertie et repousse les projets de loi.
Louise Weiss et Cécile Brunschvicg poursuivent le combat mais le désintérêt gagne : « Les paysannes restaient bouche bée quand je leur parlais du vote. Les ouvrières riaient, les commerçantes haussaient les épaules, les bourgeoises me repoussaient horrifiées. » (Louise Weiss, Ce que femme veut)

Florilège contre le vote des femmes :

  • « Plus que pour manier le bulletin de vote, les mains des femmes sont faites pour être baisées… » (Sénat-1919).
  • « Les femmes étant encore plus livrées que les hommes aux forces émotives seront emportées encore plus massivement… » (Romain Rolland-1925)
  • « Nous sommes disposés à accorder aux femmes tout ce que leur sexe a le droit de demander en dehors de la politique… » (Sénat 1932)

1936– « Trois hirondelles ne font pas le printemps » dit Louise Weiss

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Elles n’ont pas le droit de voter, mais sont nommées sous secrétaires d’Etat par Léon Blum : Cécile Brunschvicg- présidente de l’UFSF- à l’éducation nationale, Irène Joliot-Curie à la recherche scientifique, Suzanne Lacore à la santé publique.

1944– « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». (Ordonnance du Général De Gaulle du 21 avril 1944)

1945 – Assemblée constituante, trois femmes députées du Nord

  • Emilienne Galicier, résistante communiste, responsable de l’Union des Femmes Françaises, dans le Nord-Pas de Calais- Aisne et Ardennes, députée de 1945 à 1958.
  • Rachel Lempereur, institutrice et directrice d’école, militante syndicaliste et socialiste, résistante, députée de 1945 à 1958.
  • Madeleine Leo-Lagrange, une des premières femmes à exercer la profession d’avocat, participe auprès de son mari à la mise en place de la loi sur les congés payés en 1936.

Très peu de femmes députées (moins de 6% avant 1997), encore moins de femmes au gouvernement.

1974– Pour la première fois une femme devient Ministre, Simone Veil chargée de mener à bien la législation sur l’avortement.

70 ans de vote des femmes.

Elles ont d’abord été plus portées sur l’abstention et plus conservatrices que les hommes, puis leur vote s’est rapproché de celui des hommes au fil de l’évolution de leur statut social. Mieux éduquées, de plus en plus présentes dans le monde du travail ; après l’élan donné par le MLF dans la foulée de mai 68 et l’accès à la maîtrise de leur fécondité, les femmes s’abstiennent moins, votent plus volontiers à gauche et refusent l’extrême droite. Depuis 2012, les études et sondages semblent montrer qu’il n’y a plus de différences significatives entre les votes des femmes et des hommes.

Du droit de vote à la parité

1945-1981- Les femmes sont-elles réellement éligibles ? Les mandats sont dans les mains d’une classe politique masculine qui se renouvelle peu et qui capte tous les pouvoirs. Elles sont exclues de fait, des décisions politiques.

1982– la proposition qu’il n’y ait pas plus de 75% de personnes du même sexe sur toute liste électorale, adoptée par le Parlement est refusée par le Conseil Constitutionnel, au nom de l’universalisme républicain.

1989-1992-l’idée européenne de parité. Elle émerge au Conseil de l’Europe et est médiatisée au sommet européen d’Athènes Femmes et pouvoir.

Vifs débats parmi les intellectuel-le-s et les politiques. Des associations se créent, transversales aux engagements partisans des unes ou des autres, et se mobilisent pour une démocratie paritaire, où pouvoirs et responsabilités seraient partagés, de manière équilibrée, entre les femmes et les hommes.

1999-Première loi constitutionnelle : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Les partis contribuent à la mise en oeuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la loi ».
2008-le principe d’ « égal accès » est étendu aux responsabilités professionnelles ou sociales.

2013- Loi sur les modes d’élection dans les collectivités locales avec scrutin de liste et obligation de parité à toutes les communes de plus de 1 000 habitants. Parité garantie dans les départements.

2015- 16% de femmes maires, 7% de présidentes d’intercommunalités, 10% de présidentes de conseils départementaux, et dans chacune des deux Chambres, Assemblée nationale et Sénat, environ un quart des députés ou des sénateurs sont des femmes. Le plafond de verre résiste !

Faut-il de nouvelles lois contraignantes et/ou nouvelles pénalités ? Rien ne changera réellement tant que l’on n’aura pas déconstruit cette culture misogyne qui s’exprime toujours avec force et régularité dans le système social et politique et freine les femmes dans leur élan, allant du discrédit sur leurs paroles et de la mise en doute de leurs compétences, aux remarques sexistes et aux violences de toutes sortes…L’exigence de parité est un levier de cette lutte.

La révolution culturelle de la parité est en marche.