Womenomics ! Voilà le mot qui est sur toutes les lèvres au Japon depuis que le Premier Ministre Shinzo Abe a présenté devant les Nations Unies sa nouvelle stratégie de croissance. C’était en septembre dernier.
Au même moment, le mot d’ordre a franchi le Pacifique avec la nomination de Janet Yellen à la Fed. Il s’est disséminé dans les derniers rapports du Fonds Monétaire International et de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE).
Il ne demande qu’à franchir désormais l’Atlantique.
Selon l’OCDE justement, ce sont 0,5 points de croissance supplémentaire qui sont à notre portée si nous résorbons, progressivement mais résolument, l’inégalité dans l’accès à l’emploi entre les femmes et les hommes. Dans tous les emplois. Une France riche en emplois, est une France qui assure la mixité non seulement dans ses écoles, dans ses institutions publiques, mais aussi dans ses entreprises.
La mixité des métiers est une clé de notre compétitivité retrouvée car elle est le plus sûr moyen d’accroître la réserve de talents disponibles : les professionnels de l’informatique, du transport, du bâtiment, des métiers de bouche le disent, eux qui paient aujourd’hui le prix de métiers trop masculins. Ceux des services aux personnes âgées, du soin, de la propreté ou encore de la coiffure le disent en retour, eux qui ont tant de difficultés à attirer des hommes : C’est en élargissant les possibilités de recrutement que l’on se donne véritablement les moyens de recruter les meilleurs. La mixité, la vraie, multiplie par deux le champ des opportunités.
Le défi est considérable. Une étude publiée il y a quelques jours par la DARES a montré qu’il faudrait aujourd’hui en France qu’un peu plus de la moitié des salariés changent de poste pour atteindre un véritable équilibre entre femmes et hommes dans la répartition des métiers. 88% des français actifs exercent dans des secteurs ou l’autre sexe est sous-représenté.
Contrairement à une image d’Epinal pourtant, il n’y a qu’un tout petit nombre de métiers qui créent des contraintes physiques telles qu’ils ne peuvent être proposés qu’à des hommes. Et il est mille fois démontré que les aménagements ergonomiques indispensables a l’accueil de femmes dans certains métiers ou sur certains postes participent plus largement de l’amélioration des conditions de travail pour tous, et constituent in fine non pas un coût mais un facteur de performance. Enfin, si le vocabulaire des métiers porte la trace des codes sexués parfois anciens, il n’y a rien de plus vivant que ce vocabulaire, rien de plus vivant que les métiers eux-mêmes. Il n’y pas de barrières plus souples que celles que la société imprime à notre activité économique.
Prenons l’exemple de la banque. Il y a 20 ans, les postes de cadres n’étaient occupés que par des hommes. Aujourd’hui, des femmes comme des hommes exercent les métiers de conseillers ou de directeurs d’agence. Les banques s’y retrouvent car elles recrutent mieux. Les clients s’y retrouvent, car ils ont désormais des interlocuteurs à leur image.
Il n’y a pas de fatalité. Branche par branche, métier par métier, Il faut briser le cercle qui assigne une profession à un sexe plutôt qu’un autre. Nous avons identifié les stratégies payantes pour cela et les ingrédients clés. La mixité émerge si elle s’inscrit dans un projet commun pour faire évoluer un métier et son image tout a la fois : si les entreprises, mais aussi les organismes de formation initiale et continue, les chambres consulaires, les branches professionnelles y sont associés. C’est ce que nous allons faire.
Une dizaine de plans d’action pour la mixité seront préparés cette année avec les acteurs qui voudront s’impliquer dans les métiers du bâtiment, de l’industrie, de la propreté et de l’agriculture. Ces plans associeront des mesures de sensibilisation publique, de conception des formations et un travail sur les processus de recrutement. Nous partirons des projets du terrain et des suggestions des salariées et salariés eux-mêmes. La sphère publique montrera l’exemple dans les métiers de la petite enfance, du grand âge, de la sécurité civile, de l’équipement, du développement durable et de l’énergie.Dans tous les secteurs d’activité intéressés, nous proposerons un contrat aux branches concernées autour d’objectifs de mixité tangibles et atteignables.
Offrir aux salarié(e)s une vraie palette d’opportunités, élargir pour les entreprises le vivier de talents disponibles et progresser ainsi vers l’égalité professionnelle : 2014, année de la mixité!
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
Tribune parue dans le Journal du Dimanche du 5 janvier 2014.