AIDE-TOI ET TA BOÎTE T’AIDERA ! enquête IPSOS Forum ELLE Active

Les salariés français restent aujourd’hui les plus démotivés d’Europe

Pour appréhender au mieux ce qui se passe aujourd’hui dans la tête des Français et des Françaises, il faut garder à l’esprit que la France est aujourd’hui un cas à part. Les salariés français sont les plus démotivés de tous et les plus mécontents en termes de reconnaissance (52% contre 46% au niveau européen – Enquête Ipsos / Edenred 2014), du respect dont ils font l’objet (43% contre 33% au niveau européen) et de leur niveau de rémunération (61% contre 51% dans les autres pays). Si ce phénomène est particulièrement fort dans l’hexagone, il se retrouve aussi dans toute l’Europe du sud et donc dans les pays qui souffrent le plus de la crise économique.

Dans ce contexte critique, l’enquête Elle Active réalisée en 2014 avait montré que les salariés français étaient moins ambitieux qu’avant. L’enquête avait montré que l’épanouissement au travail importait désormais plus que la prise de responsabilités hiérarchiques, les responsabilités ou le salaire.on observait alors qu’un faible différentiel entre les hommes et les femmes.

Vers une égalité homme/femme en termes de satisfaction professionnelle ?

A priori, au vu des résultats de l’enquête Elle Active de 2015, on serait tenté de considérer que les choses vont plutôt dans le sens d’une convergence des niveaux de satisfaction professionnelle hommes/femmes (69% des hommes disent être satisfaits de leur vie au travail contre 68% des femmes – des niveaux très proches). De même, les écarts hommes/femmes sont aujourd’hui relativement faibles voire inexistants en ce qui concerne leur satisfaction sur l’équilibre vie privée-vie professionnelle (72% pour les hommes et les femmes), l’adéquation entre la rémunération et le travail fourni (41% pour les femmes, -6 points par rapport aux hommes) ou encore en ce qui concerne les perspectives d’évolution professionnelle (44%, -4 points par rapport aux hommes).

En 2015, les ambitions professionnelles des hommes et surtout des femmes se dégradent de plus en plus avec les effets de la crise économique

Ce phénomène de nivellement des ambitions professionnelles des hommes et des femmes est bien entendu essentiellement dû à la crise économique. Entre 2014 et 2015, le potentiel de revendication des salariés mesuré par l’enquête Elle Active a véritablement fondu. Chez les femmes d’abord, notamment en ce qui concerne leur capacité à demander plus de moyens humains et techniques (52%, -10 points par rapport à 2014), des aménagements dans l’organisation du travail (54%, -6 points), des évolutions d’attributions (47%, -11 points), une augmentation de salaire (40%, -17 points) ou encore une promotion hiérarchique (38%, -11 points).

Cette très forte érosion des ambitions se retrouve aussi chez les hommes notamment en ce qui concerne leur capacité à demander une augmentation de salaire (47%, -17 points), une promotion hiérarchique (45%, -10 points). Il n’y a qu’un seul sujet sur lequel les hommes « ne lâchent pas » par rapport à 2014, c’est les aménagements dans l’organisation de leur travail (53% comme en 2014) : probablement la seule chose qui puisse encore être négociée.

Que l’on ne s’y trompe donc pas, ces résultats ne doivent pas être perçus comme un signe encourageant, loin s’en faut. Ils montrent simplement que bon nombre de femmes (tout comme des hommes d’ailleurs) ont abandonné « la lutte » car elles savent que leur employeur est aujourd’hui dans l’incapacité de leur accorder de meilleurs salaires et des évolutions de leurs attributions.

Il est probable que ces mouvements de convergence des aspirations professionnelles des hommes et des femmes (vers le bas), nourrissent en partie le sentiment chez certains que le féminisme serait aujourd’hui en net repli, voire mourant. Pour les tenants de cette idée, nous aurions atteint une sorte de statuquo, les femmes auraient désormais obtenu un certain équilibre entre leurs revendications professionnelles et leurs aspirations de « femmes ». Elles n’en demanderaient pas plus. Les résultats de l’enquête Elle Active 2015 viennent tordre en grande partie le cou à  cette idée.

LA MATERNITE, UN FACTEUR DE MALAISE ET DE MAL-ETRE PROFESSIONNEL POUR LES FEMMES QUI TRAVAILLENT

Comme nous allons le voir, le phénomène mis en lumière par l’enquête Ipsos / Elle Active est très insidieux car il est en partie masqué par des évolutions dont on devrait a priori se féliciter. On a déjà vu qu’en termes d’ambitions professionnelles, les deux sexes se rapprochent. Par ailleurs, bon nombre de femmes vivant en couple ne remettent pas en doute la capacité de leur conjoint à les pousser à avoir de l’ambition professionnelle (66% mais seulement 62% pour les mères), voire de partager suffisamment avec elles les tâches domestiques pour leur permettre d’avoir les moyens de leurs ambitions professionnelles (71% et seulement 66% des mères). Il convient de préciser que ce n’est pas parce que les femmes estiment que les hommes partagent « suffisamment » les tâches domestiques, qu’ils en font autant qu’elles. Disons qu’elles se contentent de ce qu’ils font.

Une femme sur deux est angoissée par la gestion des situations imprévues au sein du foyer

Là où les choses changent radicalement, c’est avec la maternité et l’organisation au quotidien qui en découle parce que beaucoup de femmes assument tout et ce, dans une très grande solitude. Lorsque l’on demande aux salariés parents d’enfants de moins de 15 ans quels sentiments ils ressentent lorsque surviennent des situations qui viennent perturber leur organisation quotidienne comme des problèmes de garde ou d’enfant malade, près d’une femme sur deux dit être angoissée et se demandent comment elles vont trouver une solution (48% des mères contre seulement 32% des pères).

Activités extra-scolaires, garde d’enfants malades, vacances, gestion des urgences à l’école, devoirs scolaires : la grande majorité des femmes organisent tout… toutes seules !

Lorsqu’il s’agit de trouver des « solutions » aux problèmes d’organisation, la grande majorité des femmes actives affirment ne pas compter sur leur conjoint : que ce soit pour trouver quelqu’un pour s’occuper d’un enfant malade (64% disent le faire elles-mêmes, seulement 7% citent leur conjoint et 29% disent « autant l’un que l’autre »), organiser la prise en charge des petites têtes blondes pendant les vacances (62% disent que c’est elles), trouver quelqu’un lorsque les enfants sèchent sur leurs devoirs (62% des femmes disent qu’elles le font seules et seulement 32% disent « autant l’un que l’autre ») ou encore pour trouver quelqu’un pour aller les chercher à l’école lorsqu’ils sont malades (60%). De leur côté, les hommes estiment que les choses sont plus partagées même s’ils sont toutefois un peu plus nombreux à avouer que ce sont leur femme qui s’occupent de trouver des solutions. On observe le même phénomène dans les enquêtes réalisées sur la répartition des tâches ménagères : la grande majorité des hommes en font « plus » qu’avant et en déduisent le plus souvent qu’ils en font « autant ».

Presqu’une mère sur deux dit ne pas pouvoir compter sur son conjoint en cas de besoin urgent

Certes, on peut toujours voir le verre à moitié plein. Il n’en demeure pas moins vrai que 45% des mères actives disent ne pas pouvoir compter sur leur conjoint dans la majorité des cas lorsque survient un problème imprévisible avec un enfant (contre 55% qui disent le contraire). C’est encore moins le cas des femmes cadres supérieurs (seulement 51% avouent pouvoir compter sur leur conjoint). Par ailleurs, les solidarités intergénérationnelles fonctionnent mais seulement en partie. Un peu moins d’une femme sur deux dit pouvoir compter sur sa mère (46%). Après, il n’y a plus grand monde à qui elles ont le sentiment de pouvoir demander du soutien, que ce soit la belle-mère (seulement 30% des mamans peuvent compter sur son aide), son propre père (29%) ou encore des structures collectives (25%).

Du côté des hommes, les choses sont assez claires : plus des deux tiers affirment pouvoir compter sur leur femme (71%). Chez eux aussi, on note une plus grande facilité à trouver de l’aide auprès de leur belle famille et notamment auprès de leur belle-mère (39% contre 35% pour leur propre mère) et de leur beau-père (25% contre 22 pour leur propre père).

Les femmes ont beaucoup plus de difficultés pour demander de l’aide que les hommes : la crainte d’être une « mauvaise mère » est très forte

Surtout, les femmes rencontrent de véritables difficultés pour oser demander de l’aide. Certes, la plupart d’entre elles n’ont pas de blocages pour en demander à leur conjoint (85%), encore faut-il garder à l’esprit que presqu’une femme sur deux ne peut pas compter dessus (45%, déjà mentionné). La mère reste aussi un soutien que la plupart des femmes n’ont pas de mal à actionner (76%). En revanche, en ce qui concerne les autres acteurs, les femmes semblent éprouver beaucoup plus de mal à les appeler à l’aide. Beaucoup avouent qu’il leur est difficile de le demander à leur beau-père (51%), leur belle-mère (42%) ou encore à leur père (39%). Près d’une femme sur sept avoue avoir aussi du mal à demander à son conjoint de lui venir en aide (15%). Ces chiffres illustrent bien à quel point de nombreuses femmes continuent de considérer à quel point demander, c’est montrer aux autres et à soi-même que l’on n’est pas une très bonne mère.

D’ailleurs, près d’une femme sur deux avoue qu’il lui arrive de se dire qu’elle n’est pas une très bonne mère puisqu’elle a besoin de l’aide des autres pour réussir à s’occuper de ses enfants (48%), un sentiment que les hommes éprouvent logiquement moins fréquemment (seulement 39%). Nul doute que là encore, c’est la crainte de l’image qu’elles renvoient qui fait qu’elles ont plus de mal à appeler à l’aide la plupart des acteurs qui pourraient le faire et notamment leur belle famille.

A la grande différence des femmes, les hommes ont beaucoup moins de mal à demander de l’aide à leur entourage lorsqu’ils en ont besoin, et notamment à leur conjoint (92%, +7 points par rapport aux femmes) mais aussi à la famille de leur conjoint : leur belle-mère (71%, +13 points par rapport aux femmes) et leur beau-père (57%, +8 points par rapport aux femmes). Ils ont aussi moins de mal que les femmes à demander à leurs voisins de leur donner un coup de main (45%, +11 points). Ils sont un peu plus « frileux » pour appeler leur maman à  l’aide (seulement 72%, -4 points par rapport aux femmes).

Ce sont donc logiquement les femmes elles-mêmes qui le plus souvent vont assumer ces tâches, voire leurs proches mais rarement le conjoint

La conséquence logique et naturelle de l’incapacité des femmes à demander de l’aide ou à imposer à leur conjoint de les soutenir, c’est que ce sont elles qui vont le plus souvent assumer ces tâches quitte à poser une journée de congés ou à adapter leurs horaires de travail. C’est le cas notamment lorsqu’il faut trouver quelqu’un pour aider l’enfant qui n’arrive pas à faire ses devoirs (62% disent que c’est elles qui le font, 16% que c’est un proche, 16% que c’est le conjoint), lorsqu’il faut rester pour s’occuper de l’enfant malade (55% disent qu’elles le font, 28% que c’est un proche et seulement 13% que c’est leur conjoint) ou encore lorsqu’il s’agit d’aller le chercher en urgence à l’école parce qu’il est malade (52% des femmes disent que ce sont elles qui le font, 28% que ce sont des proches et 17% seulement citent leur conjoint). Pour aider les femmes, les conjoints arrivent presque systématiquement derrière les proches.

Là encore, de leur côté, beaucoup d’hommes ont le sentiment d’être celui qui assume le plus souvent ces tâches, notamment pour les devoirs des enfants (40% disent que c’est eux qui s’y collent contre 37% qui avouent que c’est leur conjoint). Les hommes semblent aussi « sur-déclarer » leur implication en ce qui concerne les activités extra-scolaires (35% contre 33% qui citent leur conjoint) ou encore les maladies des enfants.

DES IMPACTS TRES FORTS SUR LE BIEN-ETRE ET LA VIE PROFESSIONNELLE DES FEMMES

Des conséquences multiples sur leur vie professionnelle…

La gestion de ces problèmes a aujourd’hui des répercussions très fortes sur l’ensemble des différents aspects de leur vie. Globalement, la grande majorité d’entre elles avoue que les impacts sont aujourd’hui importants sur leur niveau de stress (61% contre seulement 46% pour les hommes).

Surtout, les conséquences sur leur vie au travail sont aussi très importantes. De très nombreuses femmes avoue que la gestion de ces problèmes ont de réels impacts sur leur niveau de bien-être professionnel (49%, +11 points par rapport aux hommes), leur efficacité dans le travail (41%, +5 points par rapport aux hommes), leur ambition professionnelle (41%, +8 points), leur progression (40%, +9 points) et dans une moindre mesure leurs relations avec leurs supérieurs hiérarchiques (34%, +7 points).

Les femmes sont adonc aujourd’hui les victimes d’une « double peine ». Elles se retrouvent doublement limitées dans leurs ambitions : d’une part par le contexte économique qui les empêche de progresser en termes de salaire et de carrière, de l’autre par leur maternité et l’organisation au sein du foyer qui viennent objectivement saper leur bien-être professionnel et leur volonté même de gagner en responsabilité.

…et sur l’ambition au féminin : près d’une femme sur quatre a déjà refusé une promotion en raison des problèmes d’organisation et de garde d’enfants rencontrés

Ipsos et Elle Active explorent depuis un certain nombre d’années les différents obstacles et freins à l’ambition des femmes dans le travail. Année après année, le dispositif d’enquête mis en place a pu montrer à quel point certains phénomènes comme l’éducation reçue par leurs parents, les injonctions contradictoires qu’elles reçoivent ou encore leur moindre capacité à demander ce qui leur est dû, jouent contre elles. Il semble aujourd’hui évident que la maternité engendre une très forte solitude dans l’organisation de la vie des enfants qui a elle-même un très fort impact sur leur carrière professionnelle. Les femmes n’osent pas demander de l’aide parce qu’elles craignent pour leur image.

Logiquement, ces problèmes d’organisation les poussent pour beaucoup à se restreindre en termes d’ambition professionnelle et ce, encore une fois, beaucoup plus que les hommes : elles sont ainsi véritablement plus nombreuses que la gent masculine à dire que les problèmes d’organisation et de garde d’enfants les amènent à ne pas chercher de nouvelles responsabilités (38% contre 19% des hommes), à ne pas chercher à aller dans certaines entreprises (38%, +18 points par rapport aux hommes). Près d’un quart d’entre elles s’interdit pour ces raisons de mettre en valeur leurs qualités professionnelles (23%) et 19% ont même déjà refusé une promotion.

SI LES PROBLEMES NE VIENNENT PAS EN MAJORITE DE L’ENTREPRISE, C’EST POURTANT ELLE QUI PEUT PROPOSER DES SOLUTIONS

Les femmes ne font pas porter la responsabilité de leur situation à leur employeur

Les résultats de l’enquête montre que les femmes sont globalement aussi satisfaites que les hommes de leur vie professionnelle et notamment de leur équilibre vie privée/vie professionnelle, de leur rythme de travail ou encore de leur épanouissement professionnel. D’ailleurs, la grande majorité des femmes affirment que leur employeur se montre plutôt compréhensif lorsqu’elles doivent gérer des problèmes de garde d’enfant (72% contre 28% qui déclarent toutefois que leur employeur est plutôt agacé).

Le souvenir de l’annonce de leur maternité à l’employeur et de leur retour de congés est aussi assez symptomatique de la situation plutôt positive au sein des entreprises françaises.

Ainsi, seule une minorité de femmes disent que leur supérieur hiérarchique a eu une réaction négative à l’annonce de leur état (17%), lors de leur départ en congés maternité (25%) ou à leur retour de congés (19%). La plupart du temps, ils ont une réaction positive ou indifférente.

Par ailleurs, il est rare qu’elles rencontrent des problèmes lors de leur retour de congés. Rares sont celles qui avouent avoir eu des difficultés avec leurs collègues (seulement 11%) ou de soucis d’intégration dans l’équipe (16%). Les problèmes relationnels avec le supérieur sont un peu plus fréquents, ils concernent logiquement plus d’une femme sur cinq (22%). En effet, elles doivent s’organiser différemment et souvent avec peu d’aide comme le montre l’enquête.

De la même façon, la maternité a des conséquences plus souvent négatives sur leur périmètre d’activité (22%), sur leurs responsabilités (24%), leur évolution professionnelle (31%) et leur salaire (26%). C’est en partie dû à l’employeur mais aussi aux femmes elles-mêmes qui nous disent limiter leurs ambitions sur ces sujets en raison des problèmes d’organisation qu’elles rencontrent.

D’ailleurs, la grande majorité des femmes estime que tout compte fait leur retour en entreprise s’est bien déroulé (83%). Il n’en demeure pas moins vrai que seulement une femme sur quatre considère que les choses se sont « très bien passées » (24%) et que 17% estiment même au contraire que cela s’est mal passé.

La solution est en partie dans les mains de l’entreprise notamment pour faire changer les comportements des hommes

Il est indéniable que les résultats de l’enquête Ipsos / Elle Active montrent à quel point les femmes se montrent aujourd’hui insuffisamment capables d’appeler à l’aide les soutiens dont elles pourraient disposer et surtout n’exigent pas de leur conjoint qu’il s’investisse plus, voire « beaucoup » plus dans l’organisation de la vie du foyer.

Si un certain nombre d’entreprises semblent avoir compris qu’elles détiennent une part de la solution, la grande majorité des salariés français considère toutefois que leur employeur ne propose pas de mesure permettant d’aider les salariés parents d’enfants à mieux concilier leur vie professionnelle avec leur vie personnelle (56%), un constat partagé par la majorité des hommes (56%) et des femmes (55%). Mis à part les jours enfants-malades dont une courte majorité de salariés dit aujourd’hui pouvoir bénéficier (51%), les autres dispositifs existants sont assez peu mis en place dans les entreprises : les aménagements de travail et d’horaires en cas de besoin (40% des salariés ayant des enfants disent qu’ils peuvent en bénéficier), des aides financières pour les gardes d’enfant (14%). Surtout, les dispositifs d’organisation, relativement simples à mettre en place, ne sont pas utilisés : la possibilité de faire du télétravail (cité par seulement 13%) ou encore l’interdiction de faire des réunions tard le soir ou tôt le matin (12%).

Fiche technique :
Enquête réalisée pour le Forum ELLE Active, menée sur Internet du 25 février  au 2 mars 2015, auprès de 2003 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française active.