3 pratiques pour faire vivre les valeurs de l’entreprise
L’entreprise traditionnelle se limite aux objectifs financiers mais cela n’a aucun sens pour le salarié qui ne peut pas avoir un impact direct dessus. Les exemples d’Apple, General Electric et Johnson&Johnson, des entreprises qui font vivre leurs valeurs au quotidien.
- Tout l’été, des experts RH et des DRH vous recommandent des ouvrages incontournables publiés depuis un an.
Jean-Michel Garrigues, DRH BLB & Associés, a choisi « L’entreprise humaniste », un ouvrage coordonné par Jacques Horovitz (Ellipses).
> Que dit ce livre ?
Ce livre formalise les valeurs de l’entreprise centrée autour de l’humain, prenant l’exemple du concept d’hôtellerie Châteauform’, largement déployé en France et en Europe.> Pourquoi est-ce essentiel de le lire ?
Il détaille un modus operandi permettant de détecter les valeurs humanistes, de les reconnaître, de les évaluer, en les démontrant et en détaillant le rôle du leader.> En quoi cela fait sens dans votre pratique professionnelle ?
La gestion des RH est d’autant plus individualisée dans une PME, il convient donc de considérer pleinement chacun pour obtenir la meilleure action commune.> Citation choisie :
« L’entreprise gérée par ses vraies valeurs et non l’entreprise gérée par ses mauvaises règles »
Extraits de « L’entreprise humaniste », ouvrage coordonné par Jacques Horovitz (Ellipses)
© Oxford Group
Les valeurs sont au coeur de la partie cachée de l’Iceberg ; nous ne les voyons pas directement et c’estsouvent difficile d’en parler car elles sont au fond de notre jardin secret avec d’autres éléments (notre éducation, notre famille, nos croyances…) dont on ne parle pas facilement dans notre vie professionnelle quotidienne. Donc, comment les rendre visibles, les faire vivre au quotidien, les faire PARLER ?
Au-delà du marketing, les actes !
Ne commettez pas l’erreur de beaucoup de sociétés qui pensent qu’il suffit de faire une belle campagne marketing avec de belles affiches aux murs ! Il est essentiel que tous les employés aient régulièrement l’opportunité de construire le lien entre les valeurs de l’entreprise et leurs actes. Un des plus beaux exemples est celui du Ritz Carlton – dont nous avons eu des témoignages de Belfast à Istanbul, par les managers et les employés, de leur engagement au service des clients, sous-entendu par cette phrase« We are ladies and gentlemen, serving ladies and gentlemen ». Ils en sont tous très fiers car on leur donne une vraie responsabilité dans la résolution des problèmes – chacun pouvant dépenser jusqu’à 2 000 $ si nécessaire pour gérer une situation qui pourrait nuire à la satisfaction du client. En réalité ils n’utilisent que rarement ce droit car ils s’impliquent pleinement pour anticiper tout problème.
Nous proposerons trois pratiques de management qui nous semblent essentielles afin de faire vivre les valeurs :
► Donner du sens : créer et communiquer une vision, y compris sa déclinaison dans la société afin de« donner du sens » à chacun ;
► Recruter et développer les talents : recruter les employés pour leurs valeurs et leur potentiel, et non pas seulement pour les compétences techniques exigées pour le poste à pourvoir ;
► Mesurer le quoi et le comment : identifier et créer les conditions de succès, établir des mesures de succès qui vont au-delà des résultats financiers (le quoi) mais qui évaluent aussi les comportements pour y arriver (le comment). (…)
1 / Donner du sens
► L’exemple de General Electric :
L’enjeu est de montrer qu’il existe une cohérence entre la vision, la mission, les objectifs stratégiques et les objectifs individuels tout le long de l’année. General Electric (GE) en est un exemple par excellence. Chaque année, au mois de janvier, les top managers de tous les business au niveau monde se réunissent à Boca Raton en Floride pour déterminer avec leur Président directeur général, Jeff Immelt, les « Strategic Imperatives ». Ensuite se déroule un agenda de discussions et de communication dans toutes les entités ; et ce avec des échéances d’une discipline militaire, qui permet à chaque employé de comprendre les « Strategic Imperatives », adaptés à leur entité et traduits en objectifs individuels. Quelle fierté de faire partie d’une entreprise dont le leader au plus haut niveau, M. Immelt dit : « Je représente et promeus cette entreprise à plein temps, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, sans rien chercher à dissimuler. Nous sommes une entreprise dotée d’une expertise de 130 années, qui a toujours démontré son exigence de qualité et d’intégrité ».
► L’exemple d’Apple :
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- « Being best doesn’t mean being first »;
- « Best in Class » ;
- « Don’t make customers pull their hair out » ;
- « Pursue innovative distribution models – a.k.a. ‘think different’ » ;
- « Great products trump everything else – including price ».
(…) Apple a accès aux mêmes talents, aux mêmes matières premières, aux mêmes processus, et aux mêmes médias que ces concurrents et pourtant ses produits ont quelque chose, quelque chose de plus. Si Apple était comme tous les autres fabricants d’ordinateurs, un de leurs messages publicitaires pourrait ressembler à : « Nous faisons des ordinateurs formidables. Ils sont magnifiquement désignés, faciles à utiliser et conviviaux. Vous en voulez un ? ». Alors qu’Apple communique plutôt en disant : « Dans tout ce que nous faisons, nous croyons à la remise en cause du statu quo, nous croyons en une manière différente de penser. Notre manière de remettre en question le statu quo est de rendre nos produits magnifiquement conçus, faciles à utiliser et conviviaux… il se trouve qu’on fait des ordinateurs formidables. Vous en voulez un ? » La différence se manifeste dans la croissance forte d’Apple depuis plus de dix ans – même en temps de crise.
En interne, chez Apple, l’avis [supposé] de Steve Jobs est le « leitmotiv » de tout ce qui est décidé et mis en action. Ses valeurs, son approche, son exigence guident les employés à travers le monde. Ce sont des manifestations des valeurs profondes d’Apple qui continuent même après la disparation de Steve Jobs. Tim Cook (PDG d’Apple) renforce (dans ses propres mots) la vision et les valeurs. Lorsqu’il a remplacé Steve Jobs pendant sa première absence, il a dit : « We believe that we are on the face of the earth to make great products, and that’s not changing ». Et depuis le décès de Steve Jobs : « Keep Steve Jobs’ vision burning inside terrific people ». (…)
► L’exemple de Johnson & Johnson :
Au même titre que GE et Apple, nous pouvons citer « le Credo » de Johnson & Johnson, leader mondial dans le domaine de la santé ou bien les « Cinq Principes » de Mars. Le credo de Johnson & Johnson sert de ligne de conduite depuis de nombreuses années. Les valeurs du credo sont LA référence pour guider les décisions stratégiques dans cette entreprise très décentralisée qui : « Sait établir un équilibre entre les résultats opérationnels à court terme et l’avenir à long terme de Johnson & Johnson » et entre les parties prenantes qui sont déterminantes dans la performance :
« Notre premier devoir est de bien servir les médecins, les infirmières, les patients, les mères de famille et toute personne qui utilise nos produits et nos services. Nous devons faire preuve d’un souci constant de qualité dans tout ce que nous faisons pour satisfaire nos clients. Nous devons toujours nous efforcer de réduire les coûts de façon à permettre à nos fournisseurs et distributeurs de toucher leur juste part de profits » (Extraits du Credo).
(…) Dans toutes les entreprises citées ci-dessus, les collaborateurs de tout niveau sont activement encouragés à prendre des initiatives, à se réunir pour mieux comprendre et mieux résoudre les problèmes ensemble – que ce soit via un « Work-out » chez GE (système de résolution de problèmes introduit à l’époque de Jack Welch) ou bien un « Town Hall Meeting » chez Johnson & Johnson. Pour l’individu, cela se transforme en « je veux faire partie de cette aventure / je veux participer à co-construire la vision / je veux faire partie du club »… La contribution de toute personne, indépendamment de son niveau de responsabilité hiérarchique ne serait pas possible s’il n’y avait pas eu, au fond, un travail de longue haleine sur les comportements souhaitables – et issus des valeurs.
2 / Recruter et developper des talents
Recruter et développer des talents pour qu’ils deviennent les leaders dans l’avenir. Dans ce sens, on ne parle pas du leader en terme hiérarchique ; un leader n’est pas forcément un directeur – il peut être, par exemple, un ingénieur dans l’activité de Services chez GE, celui qui donne l’exemple et qui influence, sans autorité hiérarchique, ses pairs. Ainsi, il devient impératif de recruter pour l’avenir et non pas pour le poste actuel car les techniques et donc les connaissances vont changer. Les valeurs / les comportements peuvent évoluer mais ils ne changent pas. Souvent encore on fait l’erreur de recruter pour les connaissances et compétences techniques – et plus tard, on se sépare de personnes à cause de leurs comportements et/ou de leur manque de motivation. Et si on ne peut pas s’en séparer légalement, alors on leur trouve un joli placard doré – quel dégât humain et quel dégât pour l’entreprise.
(…) Aujourd’hui les entreprises humanistes ont compris – leur politique et process Ressources Humaines (RH) sont fondés sur un équilibre entre les compétences techniques ET les compétences comportementales – et elles s’attendent à ce que le manager gère et développe les talents avec l’aide des outils développés par les RH. Ces outils incluent :
- Un référentiel de compétences personnelles et relationnelles – lié aux valeurs – avec des descriptifs et mesures ; chaque personne est recrutée, évaluée, développée et éventuellement promue, selon l’analyse de ses compétences. Les « Growth Values » de GE en sont un excellent exemple.
- On forme les managers à manager ! Ils sont formés pour appréhender et évaluer les compétences comportementales. (…)
- De plus en plus, les entreprises utilisent l’outil « 9 Box » pour évaluer la performance et le potentiel de leurs collaborateurs par rapport à deux axes – le Quoi (résultats) et le Comment (les valeurs). C’est un outil qui sert à définir le pool des talents, à déterminer les plans de succession, à répartir la somme disponible pour les bonus… et donc, les managers se doivent de savoir interpréter les performances et le potentiel de chacun de leurs collaborateurs selon l’axe comportemental.
- Le modèle 70-20-10, issu de recherches1 auprès d’un panel de managers expérimentés, démontre que les adultes acquièrent leurs compétences professionnelles dans leur environnement de travail significativement plus que dans des salles de classe. En effet, ils déclarent que leurs compétences proviennent à 70 % de missions délicates, à 20 % d’échanges (notamment avec des mentors, coachs et leurs supérieurs hiérarchiques) et à 10 % du biais de formations et de leurs lectures. (…)
- Les Centres de Développement opèrent sur la base de simulations qui donnent aux participants l’opportunité de prendre conscience de leurs comportements et ainsi de les faire évoluer afin de produire un meilleur impact sur les autres et sur le résultat. Chez Sanofi-Aventis, ils utilisent depuis 6 ans ces Centres pour des groupes de douze personnes (des « Early Potentials » et des « High Potentials »), un peu partout dans le monde. Les compétences requises sont basées sur LEAD – le référentiel de Compétences du Groupe avec des exemples des comportements décrits.
► Le questionnaire à 360 degrés
Dans tous ces outils, il y a un thème central : pas de progrès sans feedback ! On crée des conditions de motivation en valorisant les actions et la manière dont elles sont faites – et on encourage un développement continuel avec un feedback constructif sur ce qu’il faut améliorer – en ligne avec les valeurs moteurs de la réussite. Dans certaines entreprises, ceci se traduit par un questionnaire à 360°. Chez Johnson & Johnson, le 360° est basé sur les dix compétences de leadership – dont la première est : « Actions fondées sur l’intégrité et notre credo : incarne les valeurs du credo, favorise la confiance ; dit la vérité ; favorise la transparence dans l’approche des problèmes ; fait preuve d’une attention vraie et chaleureuse vis-à-vis des gens ».
3 / Mesurer le quoi et le comment et ajuster
L’entreprise traditionnelle se limite aux objectifs financiers ; mais cela n’a pas de sens pour l’employé qui ne peut pas avoir un impact direct sur le « top & bottom line ». Ainsi, il faut se poser la question de savoir sur quel facteur il peut avoir le plus grand impact. Par exemple, sur le client au quotidien, et l’aider à voir le lien entre son activité et la réussite de l’entreprise. Le concept de « Business Success Model » sert à cadrer une réflexion et discussion sur le lien entre les valeurs et les conditions de réussite pour les leaders qui à leur tour doivent engendrer une série de réactions progressives qui vont dans le bon sens pour enfin avoir un impact au niveau résultat global – sur les revenus et profits – et également sur l’image de marque de l’entreprise.
► General Electric : la promotion des forces créatrices de l’homme
General Electric (GE) est aujourd’hui un exemple intéressant d’une société qui depuis quelques années remet l’être humain au coeur de son activité en revenant vers ses origines – l’imagination d’un homme, Edison. Le logo GE est maintenant inséparable de la promotion des forces créatives de l’être humain – et des conditions permettant à toute personne de réaliser son potentiel créatif. Les cinq « Growth Values » de GE en témoignent. Les résultats financiers sont, bien sûr toujours importants mais, dans la valorisation des actes humains et de l’importance du client et de l’employé, GE a bien compris que les résultats financiers résultent de la qualité de la performance et des relations entre le client et l’employé.
► Johnson & Johnson : une enquête bisannuelle pour améliorer l’entreprise
Pensons encore à Johnson & Johnson qui « Prend des mesures en fonction des résultats de l’enquête Credo afin d’améliorer l’organisation ». Cette enquête, qui est établie selon les critères du credo, se fait tous les deux ans à travers le monde. Les résultats sont communiqués par entité et fonction partout et sont pris en compte de manière très sérieuse par les leaders qui doivent proposer des actions pour améliorer les résultats qui n’atteignent pas les niveaux souhaités. Au niveau individuel, l’approche « Scorecard » permet au collaborateur de déterminer les axes clés de développement en équilibrant les facteurs différents de la performance – par exemple MOI, MON ÉQUIPE, MES RÉSULTATS, MES INTERACTIONS DANS LA MATRICE.
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1. Morgan McCall, Center for Creative Leadership.
Titre : L’entreprise humaniste, le management par les valeurs
Coordination : Jacques Horovitz
Editeur : Ellipses
Date de parution : décembre 2012
Nombre de pages : 349
Prix : 29,50 euros
Lectures conseillées aux DRH
– L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (Aravis)
– Le prix de la confiance, Didier Pitelet (Eyrolles)
– Diriger et encadrer autrement, Frederick Mispelblom, Catherine Glée (Armand Colin)
– L’humain dans l’entreprise : un capital à préserver, Sacha Genot et Philippe Tallois (Eyrolles)
– La relation médecin du travail / entreprise (Aravis)
– L’évaluation de la formation, Jonathan Pottiez (Dunod)
– La force de la différence, Nobert Alter (PUF)
– L’entreprise humaniste, ouvrage coordonné par Jacques Horovitz (Ellipses)