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8 Mai 18 #VIOLENCES SEXUELLES AU TRAVAIL : CONDAMNATION D’UNE ENTREPRISE DE NETTOYAGE PAR LA COUR D’APPEL DE PARIS LE 3 MAI 2018

Accuser l’AVFT d’avoir « monté ce dossier de toutes pièces » était l’un des axes de défense de l’avocat de l’employeur de Mme B. lors de l’audience de la Cour d’appel de Paris du 7 décembre 2017.

Lorsque les arguments manquent pour obtenir qu’un employeur échappe à une condamnation, c’est généralement l’AVFT qui est diabolisée, ici accusée d’avoir instrumentalisé une victime à des fins militantes voire pécuniaires. Nous avons l’habitude. L’avantage, c’est que nous servons de paratonnerre aux victimes qui échappent ainsi au moins partiellement aux foudres de leur ancien employeur.

Mais en pointant le rôle de l’AVFT dans le simple fait, pour Mme B., de voir sa cause entendue par une Cour d’appel, et avec un dossier solide, l’avocat ne croyait sans doute pas si bien dire.

Sans le recours à l’AVFT, Mme B., agente d’entretien salariée de NG PRO MULTISERVICES – entreprise dont nous n’avons pas fini de parler – n’aurait rien obtenu. Il n’y aurait pas eu le moindre commencement de procédure. Ce « dossier » est un bon exemple, parmi tant d’autres, de ce que la lutte contre les violences sexuelles au travail ne peut se limiter à l’animation d’une « ligne téléphonique », aussi importante soit-elle. Les obstacles qui se dressent sur le parcours des victimes sont tels qu’ils ne peuvent être surmontés par des conseils téléphoniques. Il faut être « là », faire les bons diagnostics, avoir des idées, une expérience, ne rien lâcher, doubler l’expertise d’un engagement militant. Et beaucoup, beaucoup travailler. Sans cela, cette lutte est condamnée à conserver le statut de promesse politique.

Mme B. a saisi l’AVFT il y a… huit ans, sur les conseils du Relais Femmes de Gennevilliers, qui lui a apporté un soutien déterminant. Mme B. était régulièrement victime de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles commis par son employeur. Son travail, son CDI, lui étaient indispensables. Ils étaient la condition à l’obtention d’un nouveau logement, pour pouvoir quitter une chambre louée par un marchand de sommeil dont la peinture au plomb avait déjà rendu sa fille malade. Mais les violences avaient fini par avoir raison de sa santé. Son médecin l’avait arrêtée, elle avait porté plainte mais depuis sa plainte rien n’avait bougé. Elle était complètement perdue mais avait envie de se battre.

De rendez-vous en rendez-vous, nous avons patiemment reconstitué la chronologie des violences, écrit à son employeur pour le rappeler à ses responsabilités, organisé l’inévitable rupture du contrat de travail en préservant la possibilité que Mme B. fasse valoir ses droits devant le Conseil de prud’hommes et, semaine après semaine, avons récupéré auprès des témoins – ex-salarié.es et personnes extérieures à l’entreprise – leurs témoignages écrits en bonne et due forme, les certificats médicaux auprès des médecins… l’intégralité des pièces versées au dossier formant le faisceau d’indices concordants sur lequel la condamnation de l’employeur est fondée.

Qui aurait réalisé ces démarches si ce n’est l’AVFT ? Aucune d’entre elle n’est couverte par l’aide juridictionnelle, à laquelle Mme B. était éligible. Par ailleurs, les avocat.es français.es ont l’interdiction déontologique de contacter les témoins potentiels.

La police ? Le dossier pénal dont nous avons obtenu la copie a révélé une enquête quasi- « blanche », c’est-à-dire sans aucun acte d’enquête pertinent, sans qu’aucun des témoins susceptibles de concourir à la manifestation de la vérité, ceux que l’AVFT a contactés, n’ait été entendu. Sans même que le mis en cause n’ait été entendu ! Il ne s’est pas présenté à la convocation des services de police, qui n’ont pas cherché à l’y contraindre. Voilà pourquoi certaines plaintes sont classées sans suite.

L’inspection du travail ? Que des moyens lui soit donnée et qu’elle soit spécifiquement formée et on en reparlera…

Le 3 mai 2018, c’est bien la ténacité de Mme B, assistée par l’excellente Me Maude Beckers, et le travail de constitution du dossier réalisé par l’AVFT, représentée par Marilyn Baldeck(1), qui ont permis à la Cour d’appel de Paris de trancher :

« Mais considérant que les faits d’agressions sexuelles et de harcèlement sexuel commis par l’employeur M. M sur Mme B sont établis; qu’il ressort en effet de la déclaration très circonstanciée de Mme B à l’appui de sa plainte le 4 mars 2010 aux services de police, confirmée par les attestations tout aussi circonstanciées de Mme M, intervenante au relais des Femmes de Gennevilliers, et de Mme H, voisine de Mme B, qu’avant même le 1er avertissement notifié à cette dernière le 3 décembre 2009 pour non respect d’horaires, M.M qui ramenait la salariée chez elle, a, fin octobre 2009, détourné son chemin vers une forêt pour s’arrêter sur un parking éloigné de la route, a sorti son sexe en la saisissant par le cou et lui ordonnant de lui faire une fellation; qu’elle l’a alors menacé avec un tournevis ;

Que ces témoins, relatent de manière suffisamment crédible tant par la spontanéité de l’écriture que le détail des faits relatés et des conseils alors prodigués, les circonstances dans lesquelles Mme B leur a fait ses confidences;

Qu’il ressort aussi des déclarations précises de Mme B que fin janvier 2010, M.M a renouvelé ses tentatives d’agressions sexuelles sur cette dernière lui causant une douleur à l’épaule qui a donné lieu le 2 février à un arrêt de travail de 3 jours; que l’examen clinique ordonné par les services de la police a confirmé une ITT de 3 jours pour le retentissement fonctionnel occasionné par une gêne initiale à l’épaule droite;

Considérant que Mme B produit également des attestations de Mme M qui l’a hébergée et de deux collègues Mme D et M. B, témoins directs du harcèlement sexuel de M. M à l’encontre de Mme B : “ il lui téléphonait même quand elle ne travaillait pas pour lui proposer de sortir avec lui et d’aller à l’hôtel…”, “ M. M attendait toujours Mme B pour la ramener chez elle. Quand Mme B refusait, il l’a menaçait en lui disant qu’elle n’aurait plus de travail. J’ai vu, sur le chantier de Saint Maur Créteil , M. M mettre les mains aux fesses de Mme B en disant “ les marocaines elles ont des grosses fesses”, alors qu’elle était en train de nettoyer les toilettes …elle pleurait en lui demandant d’arrêter.” “ j’ai vu que le patron, tout en parlant a mis à plusieurs reprises sa main sur la cuisse de Mme B en la caressant…”, “ j’ai vu son état de santé se dégrader, un désastre. Elle était mal en point, je la voyais pleurer, trembler, s’enfermer chez elle…elle m’a raconté les attouchements sexuels de M. M, je lui ai conseillé de porter plainte”;

La Cour énonce ensuite la liste des éléments médicaux venant compléter le faisceau d’indices.

Pour la nullité du licenciement, l’employeur est condamné à indemniser le préjudice de Mme B, qui avait deux ans et demi d’ancienneté, à hauteur d’un an de salaire.

Pour le harcèlement sexuel, il est condamné à lui verser la somme de 8000 euros (ce qui correspond à la fourchette basse de ce que nous obtenons généralement).

La Cour acte l’investissement de l’AVFT en condamnant l’entreprise à indemniser l’association à hauteur de 3500 euros, pour son préjudice tant moral que matériel.

La société NG PRO MULTISERVICES est aussi condamnée à verser 1000 euros à l’AVFT au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et 3000 euros à Me Beckers au titre de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle(2).

Nous aurons l’occasion de recroiser cette entreprise et son gérant prochainement, aussi bien devant un conseil de prud’hommes que devant une juridiction répressive.

Une autre ex-salariée de l’entreprise a en effet saisi l’AVFT.

Marilyn Baldeck,
Déléguée générale

ELLE.FR : QUAND DES ENTREPRENEURES RENCONTRENT PASCALE BOISTARD, SECRÉTAIRE D’ETAT AUX DROITS DES FEMMES

SOURCE : ELLE.FR

QUAND DES ENTREPRENEURES RENCONTRENT PASCALE BOISTARD, SECRÉTAIRE D’ETAT AUX DROITS DES FEMMES

Créé le 17/06/2015 à 14h30

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Mardi, 9h, sur le campus d’une grande école de commerce, à Paris. Au milieu des étudiants de l’ESCP Europe, des créatrices d’entreprises se pressent pour entrer au Pionnières Day. Le concept ? Une matinée d’échanges autour de l’entrepreneuriat féminin. Une dizaine de femmes ont été choisies pour questionner librement la secrétaire d’Etat aux Droits des femmes, Pascale Boistard, durant une heure. Au programme, des questions très pratiques sur leur quotidien. « Aujourd’hui, si je tombe enceinte, je serai bien embêtée pour rembourser mon prêt à taux zéro tous les mois, constate par exemple Claire Michel, créatrice lilloise d’Euratalent. Il existe des assurances en cas de maladie, mais rien pour la grossesse ! Comment faire ? » « Nous sommes en train d’étudier, filière par filière, les déficits en matière de congé maternité », lui répond la secrétaire d’Etat. Pascale Boistard a également creusé la question du côté des avocates et des pêcheuses à pied, dont elle a rencontré certaines des représentantes récemment.

De l’écoute et une annonce
Laëtitia Nourissat-Gourd, lyonnaise et fondatrice de Décidento, souhaiterait, elle, développer sa très petite entreprise (TPE, moins de dix salariés). Elle raconte le casse-tête dans lequel elle se trouve : « Personne ne veut m’aider… Le banquier ne comprend pas tout et la Banque publique d’investissement (BPI) ne veut pas me suivre si je ne suis pas soutenue par le banquier ! » Après avoir rappelé quelques mesures intégrées au plan d’aides aux TPE et PME présenté par le Premier ministre Manuel Valls mardi dernier, Pascale Boistard lâche en toute franchise : « La BPI est un très bel outil, mais encore très jeune : il faut sans doute recadrer un peu les choses. » Pragmatique, elle conseille aux créatrices de solliciter les banques qui s’affichent plus ouvertes à l’entrepreneuriat féminin. Elle cite même BNP Paribas ou la Caisse d’épargne.
 
D’autres questions abordent la lutte contre les stéréotypes : « Pourquoi ne pas faire de l’orientation une matière scolaire à part entière ? » ; « Comment impulser une dynamique favorable pour encourager les créatrices issues de l’immigration ? » « Comment faire en sorte que les parents inscrivent autant leurs filles que leurs garçons aux cours de code ? » Chacune a préparé son intervention, souvent en fonction de son secteur d’activité.

Isabelle Delcroix Naulais, fondatrice de LidUP, enchaîne : « Il paraît que le fonds de garantie à l’initiative des femmes (FGIF) va évoluer ? » Créé en 1989, ce fonds permet d’accéder plus facilement aux prêts bancaires, en proposant une garantie aux banques. Un moyen de les rassurer. « On devrait vite faire une annonce », confirme la secrétaire d’Etat. C’était chose faite mardi soir : un communiqué de presse annonçait l’élévation du montant de garantie de 27 000 euros à 45 000 euros.  Un outil supplémentaire pour atteindre l’objectif du gouvernement : 40% de créatrices d’entreprise d’ici 2017.

Pour retrouver l’article complet de Clémence LEVEAU, journaliste pour ELLE

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